Aujourd’hui, je vais vous parler de cœurs en nuage, de bébés hérissons et de licornes qui se vautrent dans les paillettes.
En 2013 :
– 5 femmes ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint dans le département du Rhône.
(Chiffres du Ministère de l’Intérieur)
– Plus de 3 appels au 3919 par jour proviennent de la Région Rhône-Alpes
(selon l’observatoire FNSF)
Okay, j’ai menti. C’est sûr qu’on a connu plus léger comme sujet, mais faire l’autruche ne fera rien avancer. Ben ouais mon pote, trois appels à l’aide par jour dans ton département. Ça fait flipper, réfléchir et se questionner. Qui aide ces femmes, comment sensibiliser au sujet, quelles sont les structures qui existent en Rhône Alpes ?
Je rencontre Claire Fahys, coordinatrice salariée de l’association lyonnaise Filactions depuis 2007 pour comprendre. Une petite trentaine, une formation en mathématiques et en gestion de projets de développement à l’international. Vu comme ça, pas vraiment un parcours de féministe enragée et misandre (c’est la haine des hommes, comme la misogynie mais dans l’autre sens, de rien t’inquiète).
Bon. On a posé les bases, mais Claire, peux-tu nous éclairer sur le rôle de Filactions?
« C’est une association créée en 2004, à l’initiative notamment de l’association FIL (femmes informations liaisons) qui travaille depuis 20 ans pour l’accueil, l’accompagnement et l’hébergement des femmes victimes de violences conjugales. Filactions mène quant à elle des actions de prévention pour limiter l’apparition de ces violences, en travaillant auprès et avec les jeunes sur cette thématique. On essaye également de tout mettre en œuvre pour aider les femmes victimes de violences à libérer leur parole. »
Pour résumer, Filactions “préfère” prévenir que guérir.
Les deux associations sont elles-mêmes chapeautées par un plus grand ensemble : la Fédération Nationale Solidarité Femmes. Elle regroupe environ 65 associations en France et gère notamment la plateforme téléphonique 3919 (le numéro national unique destiné aux victimes mais aussi aux témoins de violences conjugales.)
Allez, juste pour le fun, on entonne avec les Fatals Picards « grooooos con » :
Pourquoi Filactions et pas une autre asso?
« J’ai souhaité les rejoindre pour l’aspect “prévention auprès des jeunes” car j’ai toujours été convaincue que quelle que soit la thématique, c’est bien dès le plus jeune âge que nous devons échanger sur les préoccupations sociétales. La jeunesse est selon moi source de beaucoup d’envie, d’énergie et de richesse. »
Franchement, Filactions ne nous joue pas de la flûte et applique ses convictions à sa propre structure. Y’a qu’à voir l’équipe : les bénévoles et salariées sont jeunes, et c’est souvent le premier emploi. « C’est un avantage dans nos interventions auprès des jeunes, la compréhension et la communication en sont plus faciles. »
Comment fait-t-on de la prévention sur un sujet aussi grave auprès de jeunes collégiens ou lycéens?
« Chaque année sur toute la région Rhône-Alpes, nous rencontrons environ 2000 jeunes dans les lycées et collèges et ils sont souvent en demande et réceptifs à nos propos. L’objectif est de définir les violences conjugales et d’en expliquer les conséquences, mais aussi et surtout de créer le débat et une réflexion sur les notions de violences, de couple, de préjugés et d’égalité entre les femmes et les hommes. La sensibilisation et les actions publiques ont comme objectif de diffuser de l’information au plus grand nombre de personnes et d’essayer de “briser les tabous” qui entourent ces questions. »
En tant que seule association française spécialisée sur ce créneau, Filactions a dû inventer ses propres outils de communication. Un documentaire, des courts-métrages, un jeu de société “brisons la spirale”, ou encore une plaquette d’information créée avec le MFPF de Villeurbanne (Le Mouvement français pour le planning familial).
« Les outils vidéos ou ludiques fonctionnement très bien et permettent d’engager directement et simplement les débats. Nous proposons aussi des formations pour un public de professionnels salariés. Le but est d’apporter les clés nécessaires à toute personne amenée à accueillir du public pour détecter, écouter, orienter les femmes victimes de violences conjugales. »
Existe-t-il un féminisme 2.0 ?
« Pour moi, le féminisme est avant tout une manière d’agir pour promouvoir et faire respecter les droits des femmes et donc de mettre en œuvre des actions (des politiques publiques à la société civile) pour éliminer toutes les inégalités et discriminations. En cela, la lutte contre les violences conjugales est une lutte féministe, les violences conjugales étant une violence de genre. Aujourd’hui, les femmes ont sur le papier presque tous les mêmes droits que ceux octroyés aux hommes. Cependant ces droits ne sont pas forcément appliqués et sont encore remis en cause (salaires, l’accès à l’avortement). Les féministes ont toujours été affublées d’un grand nombre de qualificatifs défavorables. Une simple remarque comme “ça va, vous avez les même droits maintenant” peut justifier à elle seule l’existence du féminisme version 2015. »
Faut se l’avouer, le féminisme n’a pas vraiment bonne presse ces temps-ci. Avec une image de guerrière castratrice ou parfois un peu désuète (« c’est bon c’est fini de brûler son soutif »), difficile d’avoir envie d’être assimilée à cette image. Emma Watson résume très bien cette question dans son discours pour l’ONU, lors de la conférence des UN Women pour He for She. ( Elle est digne, elle est belle, elle est émue. Elle envoie le pâté).
Discours d’Emma Watson aux Nations Unies – positiv.fr
Une simple remarque comme “ça va, vous avez les même droits maintenant” peut justifier à elle seule l’existence du féminisme version 2015.
Filactions est-t-elle une association active sur la région lyonnaise?
En Février et Mars prochains, les préventions auprès des jeunes reprennent, notamment en Lycée. Filactions sera présent sur le Festival “Vivement l’égalité” organisé par Amnesty International qui se déroulera du 6 au 10 Mars 2015. L’équipe a aussi prévu une journée de Formation auprès d’élèves assistantes sociales et une sensibilisation auprès de médecins généralistes.
Comment peut-t-on, en tant que lectrice (ou lecteur) de GTL, contribuer à cette cause ?
« Vous pouvez nous soutenir en adhérant ou en cotisant. Si les lectrices souhaitent s’engager, nous travaillons avec des bénévoles notamment sur les actions publiques. Et les hommes également sont les bienvenus bien sûr. Elles peuvent me joindre sur l’adresse mail de l’asso.»
Il s’agit aussi de ne surtout pas hésiter à parler autour de vous du numéro 3919, et de débattre du sujet avec votre entourage. Le silence et la honte enferment encore un peu plus les victimes de violences conjugales.