Me posant moi-même la question de savoir ce qu’est une monnaie locale, je me suis rendue à une réunion d’information de l’association “La Gonette”.
Ce collectif citoyen est sur le point de lancer la première monnaie locale lyonnaise.
Était présente une trentaine de personnes : des acteurs de l’économie sociale et solidaire comme on pouvait s’y attendre mais également des étudiants de Lyon 2, une professeure de lycée qui préparait un cours sur le sujet mais également un ancien conseiller en gestion de patrimoine.
De quoi m’assurer que la monnaie locale intéresse un public large.
Comment fonctionne l’économie actuelle ?
Quand mon argent durement gagné et parfois non dépensé dans les bars de Lyon et les boutiques des pentes est stocké à la banque, où se trouve-t-il vraiment ?
Je ne suis pas la seule à me poser la question, visiblement Anne Roumanoff se la pose aussi !
Mais elle n’a pas l’air d’obtenir plus de réponses que moi.
Nicolas, membre de l’association a travaillé comme consultant pour la Nef (banque éthique), mais il sait expliquer simplement (si j’ai compris, vous comprendrez).
Il commence donc par un petit cours d’économie.
Regardez ce dessin.
Vous avez bien vu. 98% de l’argent circulant dans le monde se situe dans la sphère spéculative (les hedge funds, les trusts, le trading haute fréquence, le shadow banking… C’est là qu’internet est ton ami).
Alors que 2% de l’argent appartient à l’économie réelle (c’est l’argent que j’utilise pour acheter mon pain, ma voiture, mon appartement*…)
Et ce chiffre provient de la Banque des règlements internationaux en Suisse qui existe depuis 1930**. Un organisme des plus sérieux.
Ces 98% sont donc, qu’on soit clair, comme un énorme parasite abstrait accroché à un travail et une production bien réels qui pourtant ne représentent que 2% de l’argent circulant.
Je suis sous le choc…
Pourquoi une monnaie locale ?
Suite à ce constat, des gens se sont dit qu’il serait assez cool de bloquer l’argent dans le monde réel (oui, on dirait de la science fiction) et de l’empêcher d’aller enrichir des personnes qui, de fait, ne créent pas de richesses en propre.
Mais comment faire ? C’est là que naît l’idée d’une monnaie locale.
Elle permettrait à chacun(e) d’entre nous de se réapproprier l’économie et de redonner un sens à l’argent, afin qu’il reprenne sa valeur première d’échange.
Il s’agirait aussi de renforcer l’identité d’une région, de créer du lien, de promouvoir des valeurs, des emplois aussi, mais je vous expliquerai cela plus loin.
Se réapproprier l’économie et de redonner un sens à l’argent
La Gonette, une initiative marginale ?
Les monnaies locales existent depuis longtemps, mais depuis juillet 2014, elles ont un cadre légal en France (Loi ESS).
Une monnaie doit être obligatoirement encadrée par une association qui doit elle-même travailler avec une banque.
En France, la première monnaie locale, l’Abeille existe depuis janvier 2010 dans le Sud-Ouest.
Il en existe 25 aujourd’hui. Les associations qui leurs ont fait voir le jour fonctionnent en réseaux et partagent leurs expériences, ainsi que leurs outils.
En Allemagne, il y a une cinquantaine de monnaies en circulation, en Angleterre, une dizaine. À Bristol, par exemple, on peut payer son électricité en “Bristol Pound” et les employés de la ville (le maire inclus) sont partiellement payés en monnaie locale.
Les étapes de la création de la Gonette
À l’heure actuelle, l’association forme (et recrute) des ambassadeurs qui seront à même d’expliquer la monnaie et de faire comprendre son utilité.
Dans le même temps, elle contacte ou est contactée par des commerçants et prestataires de service répondant à une charte rédigée par l’association.
Cette charte est le coeur du pourquoi de cette monnaie, elle permet de s’assurer que la Gonette favorise une relocalisation de l’économie basée sur une production alimentaire biologique ou raisonnée, favorisant les circuits de courts et des outils de production éthiques et locaux.
Ces commerçants / prestataires seront répertoriés dans un annuaire.
Par la suite, l’association empruntera alors à sa banque partenaire*** des euros pour le montant desquels une somme équivalente en Gonettes pourra être imprimée (La Gonette sera accolée à l’euro, une Gonette vaudra donc un euro).
Une fois ces Gonettes imprimées, elles pourront être mises en circulation.
La Gonette en pratique
(La Gonette n’existe pas encore, il est prévu qu’elle voie le jour dans moins d’un an.)
1/ Devenir adhérent de l’association Gonette
2/ Se munir de la somme en euros que l’on veut convertir en Gonettes.
3/ Se rendre à un “comptoir de change” qui sera sans doute également un commerce partenaire
4/ Acheter ce qui vous plait chez un des commerçants partenaires (répertorié dans l’annuaire)
5/ Récupérer sa monnaie indifféremment en euros ou en Gonettes
6/ Repartez content(e)
Ceci n’est bien sûr qu’une explication sommaire de ce qu’est une monnaie locale et de son utilité.
J’espère bien pouvoir vous en expliquer un peu plus une prochaine fois.
Mais franchement, vous n’avez pas hâte de l’utiliser cette Gonette ?
Tout n’est pas dit sur cette monnaie mais vous pouvez en savoir plus sur la Gonette en participant à une des régulières réunions d’information.
* D’ailleurs si vous connaissez quelqu’un qui vend un T2 dans le 1er…
** François Morin « Le nouveau mur de l’argent »
*** Banque éthique dont tous les investissements réalisés uniquement dans l’économie réelle, sont publiés chaque année (on sait où va l’argent) et où les sociétaires peuvent participer partiellement aux grandes orientations stratégiques.
En savoir plus :
#gonette
Ou aussi, plus généralement sur les monnaies locales :
Le livre de Frédéric Bosqué « Les monnaies citoyennes ; Faites de votre monnaie un bulletin de vote »
Le film de Marie-Monique Robin « Sacrée croissance »