Davide Fontana est notre invité du mois sur BIM ! Bold & Inspiring Makers, un entrepreneur qui a rapidement initié sa carrière professionnelle dans la restauration. Trattino a été créé à Lyon avec des valeurs bien définies et cohérentes, dont l’objectif principal est de faire du bon avec du bio, dans un lieu convivial et festif. Un véritable défi, inédit, dans un lieu aussi grand, jusqu’à 600 couverts par service, et avec autant de choix à la carte !
Pour lui, l’alimentation n’est pas un choix anodin, défendre certaines valeurs et des engagements écologiques est une suite logique et familiale. Découvrons l’histoire et le parcours entrepreneurial de ce passionné du bien manger et du partage.
La naissance de Trattino
Davide, comment vous êtes vous intéressé à la restauration et au bio ?
“Après mon Master 2 Entreprenariat, j’ai tout de suite pensé à lancer un projet dans l’alimentation. C’est plutôt mon frère qui vient du monde de la restauration, il a travaillé en France et en Suisse en tant que responsable de restaurant durant 10 ans. Nous avons réfléchi ensemble à créer un concept autour de la nourriture avec des valeurs fortes dans le bio, et même dans l’écologie, ce qui dépasse le bio, c’est à dire avec du commerce équitable, au niveau local, avec une réduction des déchets (plastique et gaspillage alimentaire), du fait maison et être transparent ou transmettre nos valeurs.
L’alimentation est un secteur et un enjeu fort pour défendre nos valeurs. On a une histoire familiale qui en découle. On vient d’une famille qui a lutté 127 ans contre une usine chimique qui polluait un fleuve en Italie. Nos parents ont mené la fin de cette lutte, ils étaient journalistes.
On a toujours mangé bio à la maison, chez ma grand-mère, avec une cuisine généreuse et gourmande. Le bio, ce n’était pas l’image qu’en ont certains aujourd’hui, “healthy”, léger ou des graines !”
On s’est donc mis à imaginer un lieu, en rapport avec l’alimentation, qui proposerait du bio, avec un modèle économique rentable, évidemment.
Par quoi avez vous commencé vous et votre frère ?
“On a fait une grande étude terrain, on est allé voir les acteurs de la bio, leurs consommateurs. J’ai pris beaucoup de temps à comprendre le secteur. On voulait avoir une belle connaissance du sujet, on a tout de suite vu le potentiel et la dimension que ça pouvait prendre.
On voulait créé un “Trattino” comme une représentation du “vrai” : un lieu ouvert, des produits, du réel. On a présenté cette idée à “Ticket For Change“, une organisation qui aide les talents à changer le monde, on a été retenu, et on a beaucoup appris !
Ensuite, mon frère a dû se former en cuisine. Nous sommes d’abord passé par La Commune durant un an et demi. Nous avons aussi saisi toutes les opportunités, tremplins, concours, popup à Paris…, pour aller chercher en visibilité et crédibilité. Les banques nous ont suivi pour le financement. Fin mars 2020, nous avions notre local, mais les confinements dûs à la Covid ont tout ralenti. C’était un énorme et ancien garage de poids lourd, tout a été refait, du sol au toit, création d’une cuisine, de mezzanines, le bar, l’agencement de salle, puis l’extérieur avec une belle terrasse.
Un vrai lieu de vie !”
Vous venez du Sud de la France, né en Italie, grandit à Nice, études à Paris… Comment avez vous atterri à Lyon ?
“Plusieurs choses. On voulait s’implanter dans une grande ville. Autour de Lyon, la région Auvergne Rhône-Alpes est riche en production et agriculture biologique. Elle n’est pas assez exploitée dans la restauration, alors que le rythme d’approvisionnement peut tenir la cadence. L’Ardèche, la Drôme, ce sont des lieux historiques de la bio.
On a aussi pensé à la région lyonnaise car Ticket For Change nous avait fait faire le tour de France et nous avions rencontré l’une des fondatrices du projet de La Commune à Lyon. On a adoré le concept, on pouvait tester et prototyper en cuisine, pour évoluer vers notre idée originelle de créer par la suite un lieu unique.
En plus d’un aspect personnel pour mon frère, tous ces éléments nous ont fait idéalement lancer le projet à Lyon.”
Les débuts à La Commune, c’était comment ?
“En mars 2018, on a été une des premières échoppes à être sélectionnée à l’ouverture de la Commune.
En arrivant, on s’est demandé si on prenait un chef, ou si on devait se former nous même. Du coup, c’est mon frère qui s’est tourné vers la cuisine, tout en se formant on a pu commencer à tester ce qu’on voulait proposer. Moi je gérais le côté gestion, la coordination RH, la partie financière, la communication, l’approvisionnement.
On y est allé à fond à La Commune, ça nous a complètement aidé. D’un point de vu financier, on a pu se créer un petit pécule pour avancer dans le projet, même avec un loyer élevé. Je pense que c’est un concept d’incubateur extraordinaire, qui a un coût mais leur but est de capitaliser sur des pépites. Zoï, Bao House, Boleh Lah, ce sont des lieux qui pèsent lourd aujourd’hui. Et c’est bien dans les deux sens, certains ont pu tester leur concept et comprendre qu’il n’était pas viable.
Arrivé à La Commune, on a directement poser les choses, de la cuisine à l’approvisionnement, en communication, sans ça on n’aurait pas pu se lancer aussi bien, c’était fondamental.
Ce qui est cool à La Commune, c’est que si ça ne marche pas, on arrête, mais ça a marché, on a renouveler notre contrat jusqu’à début 2020.”
On note l’engagement sur le fait maison, dites nous en plus ?
“Nos recettes de gnocchis ont été plus que validées à La Commune. Tendres, gouteux… nos clients étaient surpris de manger des bons gnocchis, pas comme ceux de “Lustucru”. En plus, fabriqués avec des produits bio et locaux, et surtout, ils étaient gourmands. On les faisait “minute”, durant le service, devant eux, ça nous a donné de la légitimité notre fait maison.
On les façonne, toujours et encore, tous les jours, à la main forcément, matin et après midi, on peut voir nos cuisiniers le faire, chez nous, la cuisine est ouverte. C’est important pour nous de garder ce fait main et que nos clients l’aient en tête, car dans la restauration on est souvent dupé sur le fait maison. L’exemple de la panna cotta est probant, aujourd’hui dans certains resto c’est de l’eau et de la poudre alors que c’est pourtant simple à faire ! C’est de la crème, de la gélatine et du sucre, mais forcément ça prend du temps. Nous on essaie de remettre le produit au premier plan et de faire avec.”
Pour exemple de notre vrai fait maison, et pour preuve, ce serait intéressant d’aller voir nos poubelles. On a des produits bruts qu’on retravaille derrière, c’est du “vrai” fait maison, on ne reçoit pas de produits déjà transformés. Ça demande du temps et beaucoup de “petites mains”, ça fait partie de nos valeurs.
💡 Pour en savoir plus sur le restaurant Trattino, voici notre testing food.
Comment faire parler du bio ? Quels sont les problèmes du bio dans la restauration ?
“Nous on part juste de questions simples : est-ce vous avez envie que votre plat soit plein de pesticides ? est-ce que vous avez envie que votre légume ait parcouru 8000 km ? Est-ce que vous voulez soutenir les producteurs qui sont plutôt à 30 km ? On est juste dans une logique. On met en avant le plaisir, le bon moment, et on communique dans ce sens.
La pomme conventionnelle a 25 traitements chimiques, si on communiquait plus là dessus, on réfléchissait à deux fois avant de croquer dedans !
Souvent les gens qui ne se soucient pas forcément de cela, qui sont assez éloignés de nos valeurs, ce sont les plus influents quand ils parlent de notre restaurant. Dire qu’on fait des petits gestes sympas pour l’écologie, qu’on a mangé bio et que c’était bon, “ça le fait” !
Aujourd’hui on sait que ça fonctionne par le bouche à oreille. Si Beyoncé se mettait à manger souvent des gnocchis, ça deviendrait à la mode ! Mais nous ce qu’on met en avant c’est que le client doit passer un moment, ça doit être léger, bon et si en plus on peut se dire qu’on a mangé de A à Z sans pesticides ! On veut faire réfléchir, au-delà du resto. On cherche l’impact, on s’oriente sur la restauration responsable.”
Quel est votre rôle avec le Festival des terroirs et l’Agence Bio ?
“Trattino est ambassadeur et porte les valeurs de la bio avec l’Agence Bio. On a participé avec eux au Festival des Terroirs, à une table ronde, puis on a proposé une dégustation de cocktail : notre mojito kiwi. Les gens étaient très intéressés par la fabrication, et cela à tous les stands, vin, soft,… L’idée serait d’accueillir d’autres ambassadeurs pour créer une grande communauté.
C’est une belle visibilité ce genre d’événements, beaucoup plus efficace que certains autres moyens de communication. L’Agence Bio est beaucoup dans la théorie et ils ont besoin de notre côté pratique, il faut focaliser sur notre crédibilité, avec notre exemple qui marche.
L’Agence Bio rassemble toutes les études de la bio, les chiffres ! Elle essaie de faire le lobby de la bio, de démontrer, sans dénigrer le conventionnel. Elle est limitée en terme de décision et mise en place d’action. Elle milite “pour”, et pas “contre” quelque chose, souhaite mettre en place des solutions.
Il nous faut des personnalités ou des fondations fortes pour cela. Des personnalités comme Hugo Clément ou la FNH.
L’Agence Bio est arrivée au bon moment pour nous, on est prêt aujourd’hui à se battre, à démontrer, on a les chiffres…”
© Juliette Valero – Slurp studio
Une “machine à gaz”, un vrai challenge entrepreneuriale !
Quel est votre rôle Davide, et comment organisez vous votre équipe ?
“J’essaie de diviser ma journée, mais ça dépend de l’affluence, parfois entre 300 à 500 ou plus de 500 couverts. Je suis donc toujours à dispo du terrain et du service quand il y en a besoin. Sinon, j’essaie de me dédier une journée sur 2 pôles / thèmes seulement, ça peut être les ressources humaines, ou les aspects financiers, le développement, l’approvisionnement, l’opérationnel, des validations et mailings.
Il y a toujours des problématiques de recrutement de personnel surtout sur les postes à prise de responsabilités, et de gestion. On a un rythme très élevé, et quand quelqu’un part c’est compliqué quand il n’y a pas de remplaçant. Le monde de la restauration c’est tous les jours différents, c’est particulier, il n’y a jamais de certitudes. Donc mon temps dépend beaucoup du facteur humain, c’est très prenant.
On a environ 45 salariés, plus de 30 en temps plein. Beaucoup d’étudiants avec des petits contrats décomposés, sur 10 ou 15h, sur les postes pénibles pour ne pas faire du 35h de plonge ou de “run-boisson”. Ça leur finance un peu leurs études, et ils ne sont pas usés par l’impact du travail pénible. Ce sont des postes plus facilement remplaçables.
On est organisé par pôles : cuisine, salle, bar, approvisionnement, financier, communication. La communication digitale est fondamentale pour un restaurant. Elle nous permet aujourd’hui d’être propulsé à des super places sur internet : 8ème resto sur TripAdvisor et 4ème sur Google.
Ces places sont un peu faussées, car il n’y a pas de comparaison entre certains établissements, ce ne sont pas les mêmes concurrents. Mais ces classements restent très impactants. On est aussi sur les premières pages des restaurants à faire à Lyon. On tombe parfois dans la “tendance” car Trattino est “à faire” mais les nouveaux clients s’attendent à un italien classique.”
© Trattino
Quels obstacles avez vous rencontré dès la création ?
- “Poser des valeurs : on se crée un chemin donc forcément ça crée des obstacles, sur les produits que je ne peux pas utiliser car trop chers, la création de certains plats, le bar, l’appro. Ce sont des choses qui n’arriveraient pas si on avait pas toutes ces valeurs. On travaille beaucoup avec Bio Appro, notre fournisseur historique du Rhône et de la Loire, créé par Agri Bio, une association de producteurs bio, ils sont très bien organisés grâce à leur outil d’approvisionnement. Mais, il y a plein de produits où mes besoins sont moindres, certains fournisseurs ne sont pas adaptés à la restauration. Le bio c’est bien géré pour les magasins, mais pas forcément pour les restaurants en terme de quantité.
- L’Humain. C’est très particulier à gérer. Même si on a jamais eu de problème à trouver du personnel. On a beaucoup stigmatisé sur la restauration, mais c’est partout pareil, c’est dur de trouver du bon personnel. On prend énormément de temps à gérer des “histoires” humaines, des problématiques d’équipes. Donc on essaie d’encadrer les heures, on les comptes et on les paie ! On essaie d’être juste donc il nous faut beaucoup de monde, forcément on dépense beaucoup en comparaison à la concurrence. Je dois m’adapter à un marché mais sans les mêmes règles, donc grignoter sur les marges.
- Avec l’Agence Bio, on essaie de plaidoyer au niveau politique et systémique, il faudrait soutenir ceux qui par leur engagement polluent moins et donc pèsent moins dans la dépollution. La Fédération de la Nature et l’Homme par exemple, souhaiterait développer des crédits d’impôts. Pour faire court, le produit bio n’utilise pas de pesticide, ni d’engrais donc ne pollue pas, il sort du cercle de ceux qui polluent. Et qui dépollue ? C’est l’État avec nos impôts. Vu qu’on ne pollue pas, on fait économiser énormément d’argent publique. On aimerait qu’il y ait une aide dans ce sens, sur les charges de nos salariés, et ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui. C’est ce qui me met des “petites balayettes” aujourd’hui. On a pas les mêmes règles du jeu malheureusement avec nos valeurs. Heureusement, on a commencé directement avec du bio, je ne connais pas l’autre côté !
J’essaie de partager l’expérience qu’on accumule chez Trattino avec l’Agence Bio.”
Vos inspirations ou modèles ?
“J’en ai peu dans l’entreprenariat, c’est souvent très différent d’un secteur à l’autre. Une innovation comme nous, on a pas beaucoup de modèle.
Je me suis inspiré du sport, avec notamment le management participatif de Claude Onesta dans le handball. J’essaie de mettre cela dans mon management, mais il faut trouver un équilibre à chaque situation.
Pour atteindre un rêve il faut de la rigueur et du travail pour tenir ses objectifs. Dans ce sens j’ai lu un super philosophe, Edgar Morin.
Quand j’ai fait mon stage de fin d’étude, le président de l’entreprise où je bossais m’a offert une casquette et un livre : “La Voie pour l’avenir de l’humanité” d’Edgar Morin. C’est un livre qui listait plein de propositions pour avoir un avenir meilleur, mais toutes étaient à créer, ça mettait en avant l’entrepreneuriat par la philosophie. Depuis j’essaie de m’inspirer de plein de personnes différentes, j’essaie d’aller piocher chez les gens qui mettent en cohérence leurs valeurs, ceux qui ont expérimenté l’entrepreneuriat, tout en restant sur du juste partage.”
En tout cas ce que j’essaie de faire c’est de respecter l’homme et la nature. Même si derrière il y a des réalités économiques.
Quels conseils auriez vous voulu recevoir pour entreprendre ?
“Dans la restauration, il faudrait une check-list des choses basiques et obligatoires ! Il y a plein de réglementations très particulières… mais il faut aller chercher les infos à différents endroits. Peut être que ça existe sous forme de conseil payant ? Mais pas à disposition.
J’ai été très surpris de l’humain dans un cadre entrepreneuriale. Même si je m’en suis inspiré, il y a des ficelles dans le sport qu’il n’y a pas dans l’entreprise. Je ne suis même pas sûr qu’on aurait pu me conseiller, il faut le vivre. Parfois c’est dur de communiquer lorsque ce sont des choses qui pour moi sont tellement logiques et de bon sens. C’est difficile d’être bien entouré. Le confort du travail en France peut amener à l’ennui et à certains problèmes d’entente dans les équipes.
Si j’avais su, j’aurai mieux organisé mon côté passionnel et l’attente envers les autres. On pense qu’en tant qu’entrepreneur on est libre mais quand on a une équipe, ce n’est plus le cas. Il faut faire des compromis tout le temps… Quand on veut faire de l’entrepreneuriat avec des valeurs sur la durée bien sûr.
Le reste, on apprend, on regarde comment il faut faire, on trouve les solutions. Mais l’humain, c’est beaucoup plus complexe.
Aussi, je le fais trop peu, mais l’échange avec d’autres entrepreneurs est essentiel !”
Le futur de Trattino !
Après 4 ans, où en êtes-vous ? Quels ont été les ajustements ?
“Il y a eu une croissance assez exponentielle. On a mis en place plein de choses. Clairement la partie boutique ne fonctionne pas comme on le voudrait mais forcément… comme on a d’abord misé sur le restaurant. On va donc investir dessus.
On va créer un laboratoire de production. Faire des lasagnes, ça prend de la place par exemple, et on en a souvent plus durant les services donc ça va nous soulager. Et ça va mettre en avant la boutique avec des productions artisanales qu’on fait. J’aimerais aussi qu’on ait des services sans rupture de plats à la carte.
Parfois on refuse des projets à cause de la prod’.
On veut inclure le bio dans la fête. Ici on est limité par le voisinage. Mais on voudrait inclure le bio dans un festival, se dire que “j’ai fait la fête sans pesticides” ! On peut peut-être imaginer les Nuits Sonores avec Trattino qui fournit ses cocktails, ses gnocchis ou focaccias… tout ça sera peut-être possible avec la production qui arrivera bientôt.”
“Les cocktails, les alcools forts, c’est encore difficile à proposer. Il y a encore une réticence ou un manque d’informations pour les boissons. Il y a pourtant un vrai enjeu, mais on est pas encore arrivé à le démontrer. Dans les alcools forts, on ne croit pas vraiment qu’il reste des pesticides après la distillation, mais évidemment que si, il en reste.” (Carte Boissons)
Si on laissait le choix sur les boissons, il n’y aurait pas vraiment de volonté d’aller vers du bio malheureusement.
“Notre cola artisanal n’est pas forcément notre meilleur boisson soft, clairement, mais on a des supers limonades, des jus de fruits pétillants, du thé glacé, du bissap maison, plein de choses à découvrir. Les habitudes sont difficiles à changer, et surtout certaines boissons sont encrées ! On a eu un client qui souhaitait un coca zéro mais ne pouvant lui en servir, il a pris un spritz… rien à voir. 😆 Nos sirops n’ont pas de colorants, on a un article sur le sujet. On a analysé un sirop classique, il contenait un colorant qui donne vraiment envie de ne plus jamais en consommer ! Aussi, on a fait l’expérience et comparé notre sirop bio de fraise, moins rouge, pour faire un Monaco : le client a été surpris par le peu de couleur, mais au final il adoré !”
Comment allez vous développer autrement ?
“L’objectif de base, un peu mathématique, c’était peut être de multiplier les lieux. Aujourd’hui on est rentable, mais c’est une “usine à gaz” dans l’entretien, la gestion, etc… On pourrait l’essaimer mais on s’est demandé si on allait pas perdre un peu l’âme du lieu. Il faudrait une structure différente, être ultra solide et lever des fonds. On pourrait y arriver mais derrière en faire 10, quel serait l’impact ?
Donc, on a basculé et on vise l’impact global. Donc peut être en formant ? On peut faire notre concept dans toutes sortes de cuisines, et cela en relocalisant l’approvisionnement et en allant chercher du bio.
L’impact on va pouvoir le développer de 2 façons : soit multiplier le concept, soit partager notre expérience. Cette deuxième phase va être très dimensionnante sur le futur de Trattino.”
Qu’est ce qu’on peut vous souhaiter pour les années à venir ?
“De pouvoir créer le labo !
De réussir à mettre à disposition notre savoir sur la restauration écologique et d’avoir une chouette place dans ce milieu. L’artisanat a vraiment besoin d’être mis en avant, fromagerie, boulangerie, etc, on aimerait partager nos valeurs avec d’autres entreprises.
Je nous souhaite de pouvoir raconter notre histoire. On est un peu comme une fleur qui s’ouvre avec de vraies réflexions derrière, de faire du mieux dans un secteur de l’alimentation qui est complexe, où on mange beaucoup de choses qui ne sont pas bonnes.
Ce que je vise, vraiment, c’est l’impact ! Ça m’a choqué quand j’ai connu ces chiffres : 1% de bio dans la restauration, et 0,5% si tu enlèves le vin. C’est les relations avec l’Agence Bio qui m’ont fait réfléchir et qu’il fallait essayer d’aider les gens à créer des modèles pour enlever les barrières du bio. Si dans quelques années, on a des dizaines de personnes qui créé des établissements bio, on sera heureux.”
Quelques questions perso…
Comment on gère pro et perso avec un resto ? horaires, charge de travail…
“On a 2 jours de coupure totale, c’est quelque chose que j’ai réussi à faire… Même si le lundi on produit et réceptionne.
J’essaie de ne pas bosser le soir. Il faut vraiment être discipliné sur le “couper”. Ça peut donner envie de rester, quand l’équipe du soir arrive à 18h. Il faut se mettre des règles, se les imposer.
Il y a quand même une culpabilité qui persiste même si c’est pas volontaire, mais il faut la dépasser et se mettre en mode “pas dispo”.
Je préfère être présent et en pleine conscience en temps limité, que toujours là en mode automatique.
Aussi, déléguer c’est pas si compliqué pour moi, car parfois, ça va même apporter du plus, quand c’est fait justement en pleine conscience et que les choses sont faites à fond, les gens s’investissent.”
Charge mentale, stress, comment faites vous pour gérer ou déconnecter ?
“Je fais beaucoup de sophrologie, j’ai aucun problème pour dormir, et très rarement du stress ”long”.
J’essaie de me reposer. Je vois ça un peu comme un sportif de haut niveau d’être un entrepreneur, si t’as pas une bonne hygiène de vie, bien dormir, bien manger.
J’aime bien déconnecter donc je vais marcher, faire du vélo. J’ai plus de réseaux sociaux sur mon téléphone, seulement sur mon ordinateur.
J’essaie de faire de la méditation active.
Mon frère et moi on se protège, durant nos vacances quand c’est pas vraiment nécessaire, on ne se contacte pas pour le boulot.
Il y a des phases de notre vie, énergétique, de construction perso, où des fois tu dois te recentrer. Même si, au final il y a toujours un peu de pro dans ton perso, il faut que ce soit ponctuel, juste une idée à noter !”
Quelle est votre cuisine préférée, plats préférés ?
“J’adore les raviolis, ça a un peu un côté sentimental. Ma grand mère les faisait…
Si j’enlève la cuisine italienne, j’adore les bò bún, les nems, ma mère en faisait. Je mange de moins en moins de viande, de charcuterie.
J’aime bien les fromages, leur procédé de production n’est pas ouf, c’est mon péché mignon !”
Et sur la carte de Trattino ? “Je prendrais les pink gnocchis, la gnocchiflette. Au niveau des boissons, j’irai sur un cocktail, le Rhum-tatin ou le Pink spritz. Et en soft, je prendrai un bissap.”
Bio et écologie, comment êtes-vous engagé hors du resto ?
“Je m’étais donné comme objectif d’arriver à mes 30 ans à 100% écolo. Côté vêtements, j’achète plus que du seconde main ou des marques écolo, même si ça a mis du temps, j’ai plus rien acheté neuf depuis mes 30 ans. J’essaie de rester minimaliste là dessus. Au niveau de l’alimentation à la maison, c’est tout bio depuis longtemps, bien sûr.
À Paris, étudiant j’avais peu d’argent, j’essayais de bien manger et c’était pas si compliqué, je prenais des légumineuses, peu de viande…
Je roule à vélo, j’ai pas de voiture au quotidien. Je ne vais jamais dans les fast-food, pas de uber eats.
Pour mes vacances j’ai un van. Je limite au max l’avion, je prends le train.
J’essaie de voir tout ce qui est possible de faire en mode écolo et j’essaie de le faire. Cosmétiques, lessive,…
J’essaie d’être cohérent au niveau global, même si c’est pas simple.”
Être écolo c’est un vrai taff de radin !
Quelles sont vos bonnes adresses lyonnaises, food, bar, culture ? Lieux où tu aimes aller à Lyon ?
“J’aime bien les baos, donc Bao House, La Fourmilière, ils ont de la bière bio. Zoï Pâtisserie, les pizzas Comptoir à pâtons, et Empanadas Club c’est très réussi.
Gros coup de chapeau à Terre Adélice pour leur glaces bio. J’adore le pain d’Antoinette. Le Kitchen Café, c’est travaillé, très bon, de saison.”
Le mot de la fin ?
“Si tu ne prends pas du plaisir quand tu entreprends, si le parcours n’est pas plus important que l’arrivée, il faut arrêter tout de suite. C’est le plus intéressant le chemin, c’est passionnant de le raconter.”
Merci à Davide pour ce partage enrichissant ! Sa cohérence et son engagement pour des valeurs fortes en faveur de l’humain, la nature et la gourmandise, font de lui un modèle à suivre pour un entreprenariat éthique et moderne. Trattino est un beau projet, comme on les aime chez Girls Take Lyon… ravie qu’il ait pris naissance à Lyon !
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En octobre, c’est Cristophe Fargier, fondateur du Ninkasi qui était à l’honneur sur BIM !
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